Une police de caractères haïe des graphistes

Rien ne prédestinait la tristement célèbre Comic Sans MS a devenir ce qu’elle est aujourd’hui : une police de caractères haïe des graphistes et qui fut pourtant très populaire du grand public.

L’histoire tumultueuse de cette typographie prend ses racines en 1994 lorsque Microsoft décide de créer une interface intuitive, ludique et illustrative pour aider les utilisateurs à se servir d’un ordinateur de bureau. Ce futur échec s’appelle Microsoft Bob.

Cette interface nous donnait à voir notre ordinateur comme l’intérieur d’une maison avec ses différentes pièces, et c’était par cette analogie que l’utilisateur devait se familiariser avec toutes les fonctions de la machine. On pouvait ainsi plus facilement apprendre à ranger ses dossiers, trouver un programme ou encore supprimer des fichiers. Et tout ça, épaulé par un petit chien jaune nommé Rover, qui faisait office de mascotte et nous expliquait à travers des phylactères comment procéder.

Les comics américains en guise d’inspiration

C’est parce que ce chien communiquait initialement en Times New Roman que notre histoire devient intéressante. Un typographe passant par là trouva cette police de caractères froide et inadaptée à cet usage. Il décida alors d’en dessiner une nouvelle. Il s’inspira du lettrage des bandes dessinées américaines, les comics, en voulant par mimétisme reproduire l’écriture manuscrite à travers des formes rondes, maladroites et irrégulières. Il souhaitait obtenir une typographie chaleureuse qui dégageait visuellement une certaine oralité.

C’est donc en 1995 que ce typographe nommé Vincent Connare créa la célèbre Comic Sans MS. La particule « Sans » souligne son absence d’empattements tandis que le « MS » désigne sa maison mère : Microsoft.

En créant la Comic Sans, Vincent Connare brise toutes les traditions de la typographie. Son supérieur chez Microsoft vient réclamer que le « p » et le « q » soient exactement l’inverse l’un de l’autre. Mais il refuse : tout l’enjeu de cette police est justement qu’elle soit « fausse », qu’elle ne ressemble à aucune autre.

L’une des 50 pires inventions de tous les temps !

Mais qu’a donc fait la Comic Sans pour avoir le privilège de se retrouver en 2010 parmi les 50 pires inventions de tous les temps d’après le magazine Time ? Cela viendrait-il du fait qu’elle ne possède ni italique ni gras, qu’elle a une approche irrégulière (l’approche étant l’espacement entre les caractères), ou que beaucoup de graphistes la considèrent comme maladroite et puérile ? Sûrement.
Mais c’est surtout parce qu’elle a été employée n’importe comment pour n’importe quoi. Son immédiate popularité a fait d’elle une star. Elle a été utilisée partout, pour tout et souvent de manière inappropriée : devantures de magasins, e-mails, signalétique, livres ou documents en tout genre. Sa surexploitation et son usage trop général a été moult fois tourné en dérision comme c’est le cas par exemple du site « The Comic Sans Project » qui reprend des logos connus en remplaçant leur police de caractères par la tant aimée typographie en question.

Le paradoxe de la Comic Sans MS vient donc de son détournement d’usage. Celle qui a été conçue à la base pour une interface de vulgarisation informatique s’est vue malgré elle propulsée sur le devant de la scène pour devenir la star du grand public. Cette irrégularité a tout de même quelques attraits. Dans un premier temps, le fait qu’elle soit informe la rend… informelle. Mais ça la rend également plus inclusive ! En effet, la plupart des typographies ont des lettres jumelles qui sont créés en effet miroir. Ainsi, les lettres b, d, p, q sont souvent identiques, et donc particulièrement complexes à démêler pour des personnes dyslexiques. La blague va encore plus loin quand il s’agit de différencier un l d’un I…L’empâtement, tout comme l’irrégularité, permet de bien différencier chaque lettre et facilite la lecture.

Elle a été sortie de son contexte initial pour devenir une typographie par défaut plein de défauts, empreinte d’un certain comique.

Source : Graphéine – Typorama #1 : La Comic Sans Ms

Source : Médium – Vous avez tort d’haïr Comic Sans MS