Michel Quarez est né en 1938 à Damas. Après les Beaux-Arts de Bordeaux, il sort diplômé de l’ENSAD en 1961 et part deux ans à Varsovie suivre l’enseignement de Henryk Tomaszewski (comme toute une génération marquante de graphistes français, notamment les membres de Grapus ou Alain Le Quernec), puis à New York à l’époque d’Andy Wharol et du Velvet Underground.

Michel Quarez occupe une place originale dans le paysage actuel de l’affiche, car il est l’un des derniers représentants d’un ‘genre’ presque disparu : l’affichiste véritable. La conception de son art, exigeante, ne s’est jamais accommodée de l’intermédiaire des agences de publicité : convaincu que l’efficacité pratique d’une affiche est inséparable de sa valeur plastique, Michel Quarez veut avoir directement affaire à l’annonceur. La manière de cet artiste peintre s’accorde bien à l’affiche, dans sa conception classique d’art monumental. Il traite ses sujets par grandes masses de couleurs saturées et cherche à provoquer un choc visuel maximum, effet que renforce l’emploi fréquent d’encres fluorescentes. Le détail superflu est banni. La simplicité de ses images fait songer à un art primitif et n’est pas sans évoquer la signalisation routière. L’impression est le plus souvent celle d’une force joyeuse, d’une fête de la couleur qui appelle invinciblement le regard


L’œuvre et l’homme se ressemblent, c’est le même esprit décapant et joyeux, la même morale sans culpabilité, le même éclat en somme. Une affiche de Michel Quarez se reconnaît de suite, à sa vitalité bondissante, à la trépidation des couleurs fluo, mais aussi à sa picturalité vive : le tranchant de l’idée est inséparable du tranchant du pinceau. Ses maîtres sont le grand Savignac mais aussi Matisse, Picasso et quelques autres. Son affaire n’est pas la communication, mais la peinture. Et il a su préserver sa liberté d’artiste, traitant directement avec l’annonceur, sans l’intermédiaire d’une agence, et refusant qu’un slogan vendeur vienne polluer son affiche : l’image doit suffire. Et pour cela, pour suppléer aux mots, elle doit être extrêmement tendue. Il s’agit, dit-il, d’“amener le signe à l’évidence de la signalétique des autoroutes”

En 1988, le Salon international de l’architecture organise un concours d’affiches pour sa première édition. Michel Quarez accepte d’y participer bien que selon lui, ce type de concours reflète l’indétermination du commanditaire qui préfère organiser une compétition plutôt que d’assumer sa part de création par un choix déterminé et responsable. Commander une affiche, ce n’est pas acheter un type de communication prévisible à l’avance, c’est accepter de confier à quelqu’un d’autre la transmission d’un message. L’oiseau figurait sur le projet d’annonce presse destinée aux architectes pour l’appel à participation. Michel Quarez voulait symboliser le besoin basique d’avoir un nid. Le salon se révéla par la suite être axé non pas sur le travail des architectes mais sur les commandes des maîtres d’ouvrages : le côté grand public, information et ouverture vers l’extérieur, n’était en fait que très relatif.

[le bonhomme qui court] Cette affiche est née d’un travail sur une esquisse, présentée en même temps que l’oiseau : sous les tropiques, un homme nu se réfugie sous une feuille de bananier pour se protéger de la pluie. Une recherche sur l’image primitive de l’abri. Mais l’affiche ne fonctionnait pas, il fallait raconter trop de choses. Alors vint ce bonhomme sans bras qui courait devant la pluie, souvenir d’un bonhomme de Tomaszewski. La pluie cessa, le bonhomme resta. Va-t-il au salon ou le fuit-il ? Pour comprendre la vie d’une image, il faut aussi en étudier les interprétations malveillantes en y répondant, on peut cerner ce qui fait le propre de la réussite du projet. […] »