Hajime Sorayama, le sculpteur d’un avenir sensuel et argenté

“Si l’on considère la distance entre l’homme et la machine, alors pour de nombreux japonais, cette distance n’est que de moitié…” 

Tirée du documentaire Tokyo Noise (2002), le psychiatre Takashi Sumioka illustre parfaitement la proximité unique entre le peuple japonais et la technologie. Cette symbiose s’est infiltrée dans chaque aspect de la société japonaise, du quotidien à l’imaginaire collectif. Il n’est donc pas surprenant que de nombreux artistes soient rapidement devenus les porte-drapeaux de ce phénomène, l’art étant toujours un reflet fidèle de son époque.

La genèse d’un artiste adoubé à échelle planétaire

Hajime Sorayama, connu pour avoir transformé notre perception de l’érotisme en explorant l’imagerie technologique du sexe et en apportant une perspective unique sur ce domaine, aurais pu suivre une toute autre carrière. Sorayama ne dessine son premier Sexy Robot qu’en 1978, à l’âge de 31 ans. Né en 1947, il décide rapidement de se consacrer à l’art et intègre pour cela l’École d’Art Chubi Central, dont il sort diplômé en 1969. Cependant, ses débuts professionnels se font loin du secteur qui le rendra célèbre, puisqu’il travaille dans une société de publicité.

Ce n’est qu’en 1972, soit trois ans plus tard, que Sorayama devient illustrateur indépendant. Initialement embauché pour dessiner des personnages inspirés de l’esthétique du célèbre C-3PO de la saga Star Wars, il développe progressivement son propre univers. En 1978, Sorayama a l’idée novatrice de combiner la culture Pin-up avec une esthétique de science-fiction. Cette fusion innovante rencontre un immense succès et propulse Sorayama au rang des artistes les plus en vue du monde.

Un succès éclectique et intemporel

Le succès de l’artiste est mondial. Les plus grandes galeries et musées se disputent le travail de Hajime Sorayama. Sa vision du charnel et de la sexualité fascine autant qu’elle interpelle. En effet, si ses créations peuvent sembler fétichistes au premier abord, elles vont bien au-delà. Sorayama transcende la figure de la femme, la transformant en déesse des temps modernes. Dans son art, la femme n’est plus faite de chair, mais de métal chromé. Elle évolue de « simple » humaine à robot, soulignant ainsi un aspect immortel et inaccessible.

S’ensuit pour Sorayama une belle carrière, marquée par des expositions, des livres et des collaborations. Aujourd’hui, la liste de ses accomplissements est impressionnante, prouvant à quel point l’œuvre de Sorayama est devenue universelle et intemporelle :

  • Il créer des oeuvres pour la Bibliothèque du Congrès de Washington D.C. ou pour le  MOMA.
  • Il est multi-récompensé avec notamment le prix du Good Design Award.
  • Il est à l’origine (avec Sony) d’AIBO, le premier chien robot commercialisé.
  • Une émission de télévision spéciale consacrée à sa carrière a été montée par Playboy, tandis que le magazine Penthouse va régulièrement publier son œuvre.
  • Il a participé à la direction artistique de la précollection Dior Homme automne-hiver 2019 présentée à Tokyo, à la demande du directeur artistique de la maison parisienne Kim Jones.

Pour vivre de leur passion, les artistes doivent régulièrement jongler entre les aspects personnels et commerciaux de leur travail, un équilibre vital que Hajime Sorayama connaît bien.

« À cette époque, faire de l’art commercial vous donnait beaucoup plus de visibilité, alors j’ai élargi mes horizons en termes de valeurs… Que puis-je dire ? Quand vous êtes jeune et que vous vous lancez dans le monde, l’argent facile semble plus séduisant que tout le reste. »

Malgré cette vision quelque peu pessimiste, il est indéniable que l’illustrateur japonais a réussi à contourner le système. Sinon, comment expliquer une carrière aussi longue malgré des visuels très explicites ?

Sorayama est l’un des rares artistes à être acclamé à la fois par les institutions les plus prestigieuses du monde de l’art, par le milieu de la haute couture, avec des publications érotiques mais aussi avec une multinationale spécialisée dans les nouvelles technologies. Ce mélange étonnant, voire unique, résume parfaitement Sorayama, qui n’a jamais cessé de se réinventer et continue de nous surprendre.

SOURCE :

beware magazine