
Charlotte Favré était en Bachelor Photographie à Gobelins en même temps que moi. Photographe de mode, elle a, comme moi, travaillé sur le souvenir pour son mémoire de fin de cursus. Elle a présenté son projet aux anciennes douanes de Paris pour le jury en 2020, et je lui ai posé quelques questions pour en savoir plus sur ses images. CHARLOTTE FAVRÉ 〉Bonjour Charlotte ! Peux-tu te présenter en deux ou trois mots ? Je m’appelle Charlotte Favré, j’ai 23 ans, je suis photographe de mode. J’ai grandi en Normandie à Rouen. À seize ans, je suis partie au Havre réaliser un Bac professionnel photographie. Par la suite, j’ai étudié à l’École de l’image des Gobelins de Paris. J’ai été soutenue par la bourse BMW. Pendant ces trois années, j’ai eu la chance de rencontrer et de travailler avec Bettina Rheims et Sonia Sieff et faire d’autres belles rencontres. Trois de mes séries ont été exposées, « Emotional Movement », « Histoire de fesses » et une série de nus lors d’expositions collectives. Le souvenir fait partie de mes processus de création, plus particulièrement des scènes de paysages vécues, imagés. Également, la peinture comme celle de Gerhard Richter ou celle de Caravage sont de grandes inspirations dans mes projets notamment pour la création de ma lumière. J’utilise principalement la lumière continue dans chacun de mes projets. • • • UN MÉMOIRE SUR LA MÉMOIRE 〉L’idée de ton projet t’est venue à Paris Photo, en découvrant le travail de Dominique Teufen ? Qu’est-ce qui t’a attiré dans les œuvres présentées ? Qu’est-ce qui t’a touché/parlé ? Le thème de mon projet sur la mémoire du souvenir était déjà choisi. J’ai beaucoup réfléchi à comment je pouvais l’interpréter et le matérialiser. Au mois de novembre 2019, j’ai découvert les images de l’artiste Dominique Teufen à Paris Photo pour le prix HSBC. J’ai été fascinée par ses images, je ne connaissais pas le fond du projet, je l’ai donc dans un premier temps interprété. Cela s’est avéré différent de ce que je pensais. En découvrant son écrit sur sa série « My travel Though the world on my copy machine », Dominique Teufen met en tension la deuxième et la troisième dimension. La photographie est utilisée pour nous duper. Sur ses photographies tout est faux. Comme un voyage mental immobile, tout en explorant le moment où la réalité et l’illusion basculent. Elle fait appel à une banque d’images inconscientes réalisées par sa photocopieuse. • • 〉Pourquoi as-tu souhaité travailler la notion de matérialité du souvenir ? Tu évoques aussi la mémoire inconsciente corporelle et psychique. Comment cela s’incarne-t-il dans ton projet ? J’ai décidé d’aborder le souvenir par la photographie pour ainsi la rendre plus intense, un réel arrêt sur les images de mes souvenirs. Le but était de me rapprocher au plus près de mes émotions et donc de les matérialiser. Le support de la maquette en 3D est finalement apparu comme une évidence suite à mes recherches, mon objectif était de mélanger la photographie et l’art plasticien. Notre intelligence matérialise ses facultés à rejouer son souvenir, ce qui viendra forcément troubler la base, car la perception s’est décomposée automatiquement en imitant le mouvement. On recrée les détails. C’est le trouble de la mémoire imaginative. Celle-ci se matérialise par le hasard. Il existe une multitude de mémoires qui sont liées entre elles. La mémoire inconsciente, servant au présent pour réactualiser la mémoire psychique qui elle conserve les expériences passées, les couleurs, les sons, les formes et les émotions ressenties, la perception du temps. Les informations qui sont traduites puis enregistrées dépendent de l’attention ou un défaut d’attention entre le moment du vécu et le moment où nous le remémorons, un lien qui permet de relier la mémoire réelle et le souvenir, les artifices morcelés de la mémoire. C’est un monde construit par mes souvenirs, une incarnation du réel. 〉Dans ton écrit tu évoques les différents sens. Comment as-tu travaillé avec chacun d’eux ? Le souvenir d’avoir été réactive aux différents bruits. Avoir été plus attentive à ce qui se passait autour de moi ce qui a développé des souvenirs plus marquants. Cela déclenche un processus de recomposition au niveau cérébral. Ce processus est éparpillé dans différentes zones du cerveau. Cela permet de représenter visuellement et sensationnellement la scène. Cependant, les éléments du décor sont flous ou peu visibles et les représentations auditivesinexistantes, à l’exception des éléments précieux du souvenir. Ce qui m’a permis de visualiser des teintes de couleurs sont le toucher et les mouvements des matières. Je peux imaginer les attitudes et les positions du corps ainsi que les expressions des modèles. 〉Qu’est-ce que tu souhaitais transmettre, quelles sensations souhaitais-tu évoquer au spectateur avec ton projet ? Je souhaitais transmettre une des représentations de l’illusion. Interroger les spectateurs sur l’interprétation du souvenir. C’est un exercice propre chacun, pourquoi ce souvenir de choses concrètes et pourquoi d’autres sont-ils si flous ?

