Barbara Kruger/Supreme : qui détourne qui ?

Le travail de Barbara Kruger à tellement influencé le monde de l’art graphique qu’il est impossible de ne pas être tombé sur une de ses œuvres ou une identité qui s’en inspire. Le logo de la marque Supreme est un parfait exemple. 

Qui est Barbara Kruger ? 

Elle étudie deux ans à l’école de design Parson à New York pour ensuite travailler en tant que graphiste pour Mademoiselle magazine, dont elle devient la directrice artistique au bout de seulement un an, elle y restera 6 ans. Elle s’occupe ensuite de la mise en page de différents magazines : Aperture et House & Garden. La, Barbara Kruger apprend l’utilisation des jeux typographique, le maniement de l’image, le cadrage, dans le but d’attirer au mieux le regard. En 1970, elle devient artiste et plasticienne. Elle arrête son activité pendant quelques années et enseigne pour ensuite se mettre à la photo. 

En 1978, elle publie le livre « Picture/Readings » ou elle met en relation ses photos et ses textes. Cela donnera le ton aux œuvres qui suivront, un texte qui dialogue avec l’image. 

Un an après, elle développe son style iconique : du texte majuscule en Futura Bold ou en Helvetica Ultra Condensed. Elle l’argandit sur de grandes bannières sur un fond d’image publicitaire des années 50, et avec pour code couleur le noir, le rouge et le blanc. Cette même année se déroule sa première exposition au centre d’art contemporain. Son travail est engagé, politique ou philosophique et remet en question nos habitudes. Elle questionne le rapport au pouvoir, au sexe, le racisme et à la société de consommation. L’association image-texte-incitation rappelle les slogans publicitaires. 

Elle introduit le spectateur et la spectatrice dans ses œuvres en utilisant le pronom « je » ou « tu » afin de le questionner sur ses habitudes et sa situation. 

Comme Andy Warhol, son art est reproductible grâce à la sérigraphie ou au digital. Elle questionne la propriété intellectuelle, car elle ne possède pas les droits de l’usage de la typographie Futura. 

Elle crée l’une de ses œuvres la plus marquante en 1989 en soutien pour une marche de libre choix d’avortement à Washington « Untilted (your body is a battleground) » cette oeuvre dénonce l’usage du corps de la femme comme produit, la femme ne s’appartient plus à elle-même. 

En 1994 James Jebbia alors fondateur de Supreme cherche un nouveau logo pour sa boutique. C’est en prêtant un livre sur le travail de Barbara Kruger à son graphiste que le logo Supreme nait, il s’inscrit en lettres blanches en futura gras et oblique sur un fond rouge.

Alors que l’art de Barbara Kruger avait pour vocation de prendre parti et de dénoncer les injustices, le capitalisme et le consumérisme, Supreme s’y baigne et aujourd’hui l’une des marques de streetwear les plus influente du monde. 

Dans le cadre d’une Biennale d’art en 2018 Barbara Kruger, monte une installation dans une galerie-boutique d’un skate park à New York en affichant les slogans « qui copie qui ? », « l’argent parle » « brute » décliné sur des bannières, des t-shirts et des planches de skate. Les gens payent 5 $ pour faire la queue devant ce qui ressemble à un magasin Supreme sans savoir qu’ils tombent dans le piège de l’artiste. Le consommateur consommé.

Moralité de l’histoire : l’appropriation a ses limites et ses conséquences